Pour définir la métacritique, commençons par le commencement et voyons ce que nous dit le Centre National de Ressources Textuelles, véritable encyclopédie linguistique numérique
Métacritique : Critique d'une critique; réplique à une critique (d'après les titres de Hamann, Métacritique au sujet du purisme de la raison, 1784 et de Herder, Entendement et expérience; métacritique de la critique de la raison pure, 1799).
Exercice périlleux, donc. Il faut de l'aplomb et du savoir-faire pour remettre en question une première métaphysique de l'œuvre.
Cette pratique considère l'herméneutique, l'interprétation comme un infini, où les observations critiques se répondent et s'accumulent sans jamais s'achever dans une complétude qui serait toujours factice. La critique de la critique ne peut être un exercice abouti. Pratique d’humilité, toute approche métacritique suppose sa propre métacritique ultérieure. Elle encourage la diversité des perspectives et des approches méthodologiques en analysant les théories littéraires elles-mêmes par le questionnement des concepts et méthodes. Le relativisme des savoirs invite alors à ne pas considérer les connaissances comme immobiles et absolues mais plutôt comme des constructions sociales et historiques, sujettes à révision.
La notion de métacritique émerge avec la critique littéraire moderne, particulièrement au XIXe et XXe siècles, en réponse à la diversification des théories critiques, à leurs oppositions méthodologiques, idéologiques, esthétiques. On peut se demander si la métacritique ne forme pas avec la littérature un couple indissociable. L'œuvre reçue et évaluée stimule nécessairement un autre regard, une autre sensation, qu’elle soit savante ou sensible. Nos expériences de lecteur nous entraînent souvent aux remises en question des approches critiques qui ne correspondent pas à notre réception contemporaine de l'œuvre et c’est ce conflit de réception, cet antagonisme d’interprétation qui stimule la métacritique. Il faut ajouter tout de suite que le conflit n’est pas une condition sine qua non à la métacritique. Les écoles et les courants littéraires ont recensé des visions communes successives, en phénomènes de réunion.
Le Romantisme, déjà, où des auteurs tels que Friedrich von Schlegel, ont développé des réflexions sur les méthodes critiques, en instituant les principes du romantisme : universalité et progressivité de la poésie, concept de l’ironie comme dépassement de soi, théorie de l’extase, du dualisme, tout en questionnant la subjectivité du jugement esthétique.
Le XXe siècle a vu l’émergence de théories critiques plus théorisées, comme le structuralisme, où la métacritique a joué un rôle en critiquant la rigidité de certaines approches et en opposant les principes de la rhétorique ancienne au profit d’une stylistique qui met en valeur les figures de style, comme la métaphore chez le formaliste russe Roman Jakobson.
Des théoriciens comme Jacques Derrida ont poussé la métacritique encore plus loin, déconstruisant les fondements mêmes des méthodes critiques. L’approche post-structurale, en même temps que Pierre Bourdieu, entraîne la métacritique dans le champs de l’approche sociologique en soulignant que les critiques sont fortement impliqués dans l’objet qu’ils observent, ce qui n’est pas sans entraîner des biais culturels et personnels qui influencent leur lecture des textes. Il n’y a qu’à penser aux écoles et mouvements littéraires pour envisager la critique comme le théâtre d’une lutte pour l’acquisition du prestige et de la consécration, lutte à laquelle les critiques participent entièrement.
La métacritique littéraire, c'est un peu comme regarder dans un miroir à double face. Au lieu de se concentrer uniquement sur les œuvres littéraires, elle se penche sur la critique littéraire elle-même. Imaginez un critique littéraire qui, après avoir lu et analysé un roman, se demande : "Mais pourquoi ai-je fait ces choix d'interprétation ? Quels sont les présupposés derrière mon jugement ?" La métacritique est cette réflexion, ce questionnement sur les méthodes, les théories, et les objectifs de la critique.
Il s’agit bien d’un jeu, donc, d’une mise en abîme où le critique critique le critique qui critique le critique.
C’est à ce jeu que je vous propose de jouer ensemble, avec des articles plus ou moins courts, qui reprennent avec ma subjectivité (nous avons vu que cet exercice révèle forcément l’ethos de celui qui s’exprime).
N’hésitez pas à consulter le glossaire terminologique, cette matière étant propice aux termes de jargon.
Enfin, j’aimerais entendre vos voix, celles de critiques qui aiment la littérature et qui embrassent les œuvres littéraires de manière évolutive au fil du temps. C’est la grande illusion des études de français au collège et lycée, où des élèves appréhendent des romans ou de la poésie, sans pouvoir accueillir l’éclair nourricier du texte. Dans le meilleur des cas, une lecture postérieure viendra faire résonner en chacun l'âme du texte qui avait échappé aux jeunes années. La métacritique, c’est avant nous cette lecture nouvelle, inédite et éphémère.
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