Le travail critique littéraire est fortement dévalorisé en ce début du XXIe siècle, souvent considéré comme un apport de seconde intention, accréditant/discréditant une œuvre accomplie, réalisée par des plumitifs d’arrière-plan aigris par cette relégation au travail analytique.
En effet, le monde littéraire est régi par une hiérarchie innommée qui établit une taxinomie inconsciente en fonction de la relation du texte au travail de l’imagination et de la projection auctoriale. Ainsi, la valorisation des auteurs, -poètes, romanciers, dramaturges-, va de pair avec la dépréciation des critiques professionnels. À son tour, le critique est victime d’une attitude de censure systématisée, qui lui reproche de ne rien avoir produit ex nihilo. Pourtant, cette critique ne porte plus que son nom. Les monographies littéraires se cantonnent à devenir œuvres hagiographiques. Les journaux littéraires ne sélectionnent que ce qui leur paraît digne d'intérêt, la critique se jouant en creux, seul le silence valant réprobation. Les chroniqueurs de la presse littéraire se présentent souvent comme des érudits spécialistes de leur sujet, dont la proximité avec le sujet entrave le recul, positif mais surtout négatif.
Les critiques contemporains se contentent de discuter les bons ouvrages, alors que la tradition s’est plutôt jouée sur le terrain du conflit, comme le fait remarquer Antoine Compagnon : “ Après la seconde guerre mondiale, Bachelard puis Jean-Pierre Richard ont tenté un moment de faire survivre la critique littéraire comme expansion d’amour, mais dans l’ensemble la critique s’est faite tragique, coupable, empêtrée dans la négativité et le soupçon, déchirée comme l’Orphée de Blanchot entre l’amour et le désir”.
Quant à la critique littéraire qui s’exerce sur les réseaux sociaux, elle ne relève souvent que d’une affirmation, “j’aime, j’aime pas”, suivie d’un résumé de l'œuvre.
Il faut aussi souligner la différence entre critiques et théoriciens de la littérature. Ces derniers proposent une analyse didactique englobante, diachronique et considèrent l'œuvre dans un ensemble de palimpsestes qui investissent l'œuvre de ce qui la précède.
Mais l’exercice s’épuise : au XIXe, l’âge d’or du roman a suscité l’âge d’or de la critique où la renommée de critiques comme Ferdinand Brunetière, Hippolyte Taine et même Théophile Gautier ou Emile Zola éclairent l’importance de l’exercice critique complet pour l’accomplissement de l’œuvre.
Il est sûrement intéressant de tenter une approche réflexive sur la critique, sur son histoire, ses enjeux et son actualité, parce qu’ elle demeure, par son caractère fortement prescriptif , l’accès privilégié à la Littérature.
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