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Sainte-Beuve et Proust : Le duel des visions littéraires entre biographie et transcendance

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"L’Enfant de Jules Vallès : critique littéraire et dénonciation des violences familiales au XIXe siècle "

Jules Vallès, auteur de L'Enfant, Musée Carnavalet Jules Vallès et la publication de L’Enfant Jules Vallès publie L’Enfant en 1879, premier volet de sa trilogie autobiographique ( L’Enfant , Le Bachelier , L’Insurgé ). Ce roman, inspiré de sa propre enfance, marque les esprits par sa dénonciation des structures oppressives de la famille et de l'école. La réception critique a été variée, oscillant entre admiration pour sa verve et indignation face à sa charge contre les valeurs traditionnelles, notamment la figure parentale. Œuvre transgressive et révolutionnaire, d ès sa parution, L’Enfant choque par sa vision sombre et subversive de la famille. Jacques Vingtras, le héros-narrateur (remarquons les initiales communes avec Jules Vallès), dépeint une enfance marquée par la violence morale et physique infligée par ses parents, qu’il qualifie de "tyrans domestiques" . 

La critique comparatiste : à la recherche des imitateurs, Florent Carton dit Dancourt

Florent Carton Une partie du travail critique revient à hiérarchiser la production littéraire et, par conséquent, établir des normes esthétiques et des canons littéraires basés sur des critères spécifiques. Chaque siècle a érigé un panthéon canonique, quelquefois non perceptible dans la contemporanéité, mais qui mobilise deux fonctions complémentaires, position  créatrice de nouveaux  idéaux littéraires et celui d’éternel épigone des standards déjà révélés, uniquement capable de s’arrimer aux modélisateurs. La critique littéraire se charge naturellement de relever les traces de ce suivisme. 

Stendhal, éternel “autre”

Si l’on s’amuse à demander à des amoureux de littérature de citer les quatre auteurs les plus représentatifs du grand siècle du roman, Stendhal, de son vrai nom Henri Beyle, ne figurera pas systématiquement dans le quatuorvirat qui domine la production littéraire du XIX e siècle, constitué d’Émile Zola, Gustave Flaubert, Honoré de Balzac et Victor Hugo. Cette hégémonie est établie à la fois par les choix littéraires de l’enseignement du français  et aussi par l’intérêt critique. Le figement de cette hiérarchie n’est pas remise en question, même si les caractéristiques esthétiques de chacun permet de discriminer les écritures et les attitudes littéraires : l’engagement de Zola, l’exhaustivité de Flaubert, le réalisme de Balzac et le romantisme de Hugo formant un panorama complet des tendances et courants valorisés, qui vont transformer les formes romanesques du classicisme le plus pur jusqu’à l’intronisation du roman psychologique. 

Hernani ou les antagonismes d’école

  La pièce Hernani de Victor Hugo ne figure pas spontanément dans la bibliographie de Victor Hugo pour le public. Il se crée au fil du temps des bibliographies institutionnalisées par l’histoire littéraire, l’enseignement et la théorie critique. À la fois dramaturge, poète et romancier, ce sont les deux dernières attributions qui sont restées à la postérité pour Victor Hugo. Pourtant, c’est bien à travers les trois genres que Victor Hugo a tenté d’affranchir les domaines de la littérature et notamment à rompre avec les dogmes du classicisme, à travers le rejet de la règle des trois unités -unité de temps, de lieu, et d’action. Il a exprimé ses convictions dans la préface de Cromwell paru en 1827, refusant les conventions classiques et convoquant une séparation nette entre l’art et la nature, puisque l’art, pour lui,  ne peut être “vérité absolue”. C’est au nom de ce nouveau dogme que la pièce Hernani a été produite, comme manifeste des nouveaux choix opérés dans le théâtre ...

La vénération critique

En 2012, Philip ROTH, l'immense auteur américain décédé en 2018, a révélé ne pas poursuivre son œuvre romanesque. L'homme est alors octogénaire et son apport littéraire couvre près de cinq décennies couvertes de succès public. L’annonce de ce retrait volontaire vient bouleverser le monde littéraire, surpris de cette décision somme toute légitime et nécessaire. Une large bronca, menée notamment par le New York times, montre l’incrédulité mêlée de courroux de la plupart des critiques littéraires : un écrivain retraité, écrit encore le New Yorker, «cela semble incongru». C'est «aussi bizarre pour un écrivain de prendre congé des mots que pour un homme d'être, comme William H. Gass l'écrivit autrefois, "en congé de l'amour».

Premiers romans et critique collective

Lorsqu'un critique établi porte un jugement sur un auteur dont c’est la première production, il participe à ce que Roland Barthes appelle “critique d'accueil”,.  Pour la rentrée littéraire de 2023,  72 premiers romans ont été publiés, plaisir attendu fait de littérature francophone ( Djinns de Sonko Seynabou -Grasset), romans de société ( Le diplôme d’Amaury Barthet - Albin Michel), l’autofiction ( Prélude à son absence de Robin Josserand - Mercure de France). Ce chiffre, qui est une constante de l’édition française, témoigne de la richesse et de la diversité de la scène littéraire, avec de nombreux auteurs émergents qui font leurs débuts chaque année. Cette vague de nouveaux auteurs contribue à dynamiser la rentrée littéraire, en apportant des voix nouvelles et des perspectives inédites à la littérature contemporaine.

Le cinéma aussi construit la critique littéraire.

Le champ littéraire, concept forgé par le sociologue théoricien Pierre Bourdieu, pose le critère de compréhension des tensions qui régissent les rapports entre les différents acteurs du monde littéraire pour théoriser les courants de création. Les dominations établies au profit des auteurs reconnus se trouvent constamment contestées par de jeunes entrants dans le champ, qui viennent renouveler le monde littéraire par des luttes permanentes.

Lettres amères : La critique épistolaire

Il existe une forme de critique qui ne se pratique pas de manière publique. L'échange épistolaire entre auteurs a longtemps servi pour un auteur à faire estimer la valeur d’un texte par ses pairs, avant même publication,  à condition d’accepter avec respect les remarques, propositions de modification, éclaircissements inhérents à l'exercice.  Cette critique , qui peut être qualifiée de dialogue appréciatif, n’est vouée qu’à rester dans l’intime de la relation entre deux auteurs. Uniquement intuitive et sensualiste, elle ne s’appuie pas sur une quelconque approche théorique mais exprime le plaisir de la lecture et la connivence littéraire. Exercice de l’entre-soi, cette forme critique reste fortement imprégnée de la réalité des relations entre les auteurs, relations de toutes ordres -amitié, émulation, rivalité-. Par les conseils prodigués, par les changements suggérés, elle participe pleinement à l’avènement génétique de l'œuvre au même titre que les brouillons ou les diffé...

Tik Tok, Instagram, la critique numérique en déséquilibre

Le critique littéraire ne peut intégrer le champ littéraire que s’il se sent légitime dans le champ littéraire, c’est-à-dire si sa formation universitaire ou  sa position en tant qu’auteur, journaliste ou critique viennent cautionner son travail critique en tant qu’expert. Les critiques novices de la sphère numérique représentent une population sous-dotée au niveau statutaire. Quelquefois anonymisée, la critique littéraire numérique ne peut même pas se prévaloir de l’autorité de l’émetteur. Sur les plateformes comme Instagram ou Tiktok, la critique littéraire se cantonne à des prescriptions rapides, quelquefois corrélées à des actions d’achat qui obscurcissent l’apport. L’acte critique perd de son intégrité pour participer directement à la consumérisation de la culture.

La schizophrénie du travail critique.

  Le travail critique littéraire est fortement dévalorisé en ce début du XXI e siècle, souvent considéré comme un   apport de seconde intention, accréditant/discréditant une œuvre accomplie, réalisée par des plumitifs d’arrière-plan aigris par cette relégation au travail analytique. En effet, le monde littéraire est régi par une hiérarchie innommée qui établit une taxinomie inconsciente en fonction de la relation du texte au travail de l’imagination et de la projection auctoriale. Ainsi, la valorisation des auteurs, -poètes, romanciers, dramaturges-, va de pair avec la dépréciation des critiques professionnels. À son tour, le critique est victime d’une attitude de censure systématisée, qui lui reproche de ne rien avoir produit ex nihilo . Pourtant, cette critique ne porte plus que son nom. Les monographies littéraires se cantonnent à devenir œuvres hagiographiques. Les journaux littéraires ne sélectionnent que ce qui leur paraît digne d'intérêt, la critique se jouant en creux...

Un cas d’école (et pour cause): Madame Bovary de Gustave Flaubert

  Pour bien comprendre ce qu’est la métacritique, penchons-nous rapidement sur le cas du roman de Flaubert, roman qui a fait les beaux (et les moins beaux) jours littéraires de la plupart des étudiants français.  La pratique métacritique convoque forcément des voix plurielles, voire antagonistes. Madame Bovary , au XIXe siècle est le récit scandaleux d’un adultère féminin, vivement attaqué pour son immoralité apparente. Au XXe siècle, les théories freudiennes s’étant diffusées dans le public le plus cultivé, le critique relèvera les thèmes de l'aliénation féminine et le désir inassouvi, tandis que le critique contemporain, reconnaissant le roman comme un chef-d’oeuvre, proposera une lecture soulevant des questions de genre, de classe sociale et les liens entre littérature et société. La métacritique favorise donc un dialogue entre différentes écoles de pensée, en confrontant des approches diverses (formalisme, psychanalyse, sociocritique, etc.). 

Qu'est-ce que la métacritique?

Pour définir la métacritique, commençons par le commencement et voyons ce que nous dit le Centre National de Ressources Textuelles, véritable encyclopédie linguistique numérique  Métacritique : Critique d'une critique; réplique à une critique (d'après les titres de Hamann, Métacritique au sujet du purisme de la raison , 1784 et de Herder, Entendement et expérience; métacritique de la critique de la raison pure , 1799).  Exercice périlleux, donc.  Il faut de l'aplomb et du savoir-faire pour remettre en question une première métaphysique de l'œuvre.